Après
Allia ou encore la
Contre Allée , j’ai aujourd’hui le plaisir de vous présenter cette
neuvième édition d’un éditeur se livre organisé par Libfly et consacrée cette
fois à L’Oeil d’or - que je tiens à remercier - maison d'édition indépendante et de qualité que j'ai eu l'occasion de découvrir dans une vidéo de présentation passionnée de Jean-Luc d'Asciano ainsi que par l'intermédiaire de ce premier ouvrage intitulé Bric-à-brac man.
Réédition du roman de Russell H.Greenan datant de 1976, celui-ci a fait l'obet d'un travail soigné, illustré ne dizaine de gravures en noir et blanc de Sarah d’Haeyer
qu’il vaut toutefois mieux découvrir au fur et à mesure au risque de se voir révéler
l’intrigue.
Quant à l'intrigue elle-même, « Par où commencer? En voilà une
question piège. Dieu seul sait où naissent les drames personnels » nous dit le narrateur. Hasard ou fatalité c’est quoiqu’il en soit par la
rencontre avec son cousin Maurice Fitzerald à qui il doit de l’argent qu’Arnold
Hopkins, « cueilleur » de
profession, c’est-à-dire brocanteur itinérant, va débuter son récit. Refusant
d’abord les « petits boulots »
malhonnêtes que lui propose celui-ci
pour éponger sa dette, Arnold ne rechigne en revanche pas à exécuter les
réparations que lui propose Mme Dunlap, gérante d’un hospice pour vieilles
dames riches pour mieux abuser de la crédulité mais aussi de l’avarice de
celles-ci.
Passionné
par les objets et l’argent qu’il se figure pouvoir en tirer, le narrateur ne
tarit pas d’éloges devant les bibelots et babioles en tous genres qui lui passent sous les
yeux et entre les mains, se tuant à la tâche, souvent en pure perte, dans
l’espoir du trésor, du filon, de l’occasion qui de larron le changerait
en honorable et renommé antiquaire. Une attention qui contraste avec ses étranges
épisodes d’ « amnésie
spasmodique » qu’il attribue au stress et à l’angoisse de son mode de
vie, encore accrus lorsqu’il finit par accepter de ces « boulots confidentiels » qu’on lui propose sans cesse et
qui, fatalement, ne le resteront guère éternellement. Ajoutez à cela la
rencontre avec une «
fille époustouflante » mais voilée et voici le décor planté,
les éléments réunis, préparant la tragédie qui va désormais se jouer.
Astucieux
mais téméraire, malin mais pas assez pour éviter les ennuis, souvent confronté à plus
rusé et plus violent que lui : ainsi se révèle progressivement notre Bric-à-brac
Man, héros pas super du tout, au fil d’entreprises de plus en plus ardues et
risquées du fait même de sa propre ingéniosité. Sans être virtuose, il se montre en effet un
amateur aussi avide que zêlé, détaillant la mise en place de ses casses avec la
même minutie que les affaires courantes qu’il continue tant bien que mal à
mener. Self-made – mais aussi mad et bad – ce même Bric-à-brac man ne manque évidemment pas
de cotoyer nombre de personnages hauts en couleur tel Lew, ancien comique radoteur, Hogan Guilfoyle, grippe-sou aigri et envieux guettant le commerçant
voisin à la jumelle, ou encore Félix Merendano qui prétend être le diable en
personne, assisté de son facétieux serviteur et bouc émissaire Xochimilo.
Vendeur ambulant puis antiquaire, Russell
H. Greenan transpose avec brio son expérience en faisant un généreux étalage des objets, des astuces, du jargon qui ont cours dans cette « grande famille » qui fut la sienne. Tous éléments d’un milieu qui joue sur les ressorts comme sur les failles de l’économie capitaliste et libérale à grand coups de
clientélisme, de crédits, d’intérêts, de chèques en bois et de la langue qui va
avec. Et ce avec un sens de la description et du détail mais aussi de la construction
d’une intrigue rythmée et riche en rebondissements se déroulant sur près de 250 pages découpées en une
quarantaine de chapitres qui se présentent d’abord comme un récit puis nous entraînent dans une série d’affaires qui se suivent puis se mêlent comme autant de pièces
d’un puzzle avant de s’assembler en un surprenant dénouement qui révèle la
nature même de l’ouvrage.
Réellement captivant et sombrement drôle, Bric-à-brac
man a tout d’un roman américain de la grande époque, qui tient dans le même
temps de la littérature blanche et du polar avec ses personnages tout à la fois
puritains et roublards, de l’étude sociologique et du divertissement en
retraçant les contours d’un univers où la fin justifie les moyens, la nécessité
est mère d’invention, la prudence mère de sûreté, les volés tous des voleurs, et
où l’on ne sait jamais à qui l’on a affaire ni où l’on met les pieds. Le
portrait d’une société mue par l’apparence, le mensonge et la spéculation au
sein de laquelle « Si vous vous
adonnez à la vérité, ne serait-ce qu’une seule minute, tôt ou tard on vous fera
passer cette fantaisie. C’est pourquoi les hommes honnêtes appartiennent à une
espèce en voie de disparition ». Désabusé, malchanceux autant que malheureux en affaire comme en amour, ce Bric-à-brac man n’est en revanche et heureusement pas dénué d’humour, à qui l’on conseille de se lancer dans le music-hall. Un personnage en compagnie duquel l'on passe somme toute un excellent moment, et que je vous invite à découvrir sans plus tarder.
A ce titre je tiens à nouveau à remercier Libfly et L'Oeil d'or pour cet ouvrage qui s'est révélé être une excellente surprise, et vous donne d'ores et déjà rendez-vous pour la suite de cette nouvelle édition d'Un éditeur se livre avec cette fois la (re)découverte du Journal d'Adam et journal d'Eve de Mark Twain. En attendant vous pouvez retrouver le détail de l'opération sur la page Libfly consacrée à l'opération, suivre les échanges concernant cet ouvrage sur le forum dédié ou encore explorer les autres publications de l'éditeur sur le site officiel de l'Oeil d'or.
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