mercredi 29 août 2018

Nota Bene – La moitié du fourbi n° 7 - Le bout de la langue.

(Re)Commencer par la langue (Le bout de) sans chercher à (dé)finir, à. Arriver quelque part (par), retourner (cette fois) [dans, ça bouche] sur ses pas (ou pas), reprendre là où l’on s’était arrêté, oublié, interrompu, à La moitié du fourbi, revue sagement folle menée par des locos et locas locaces pas alangui·e·s du tout, qui ont sorti Le bout de la langue pour en parler à l'occasion des 112 pages de ce septième numéro(se) d'avril 2018 dédié à la mémoire de Philippe Rahmy. Un numéro qui prend à coeur, à corps écrit, d'interroger le langage. 


« Et à partir de cette saisie sur le vif du retour du souvenir récalcitrant, est-il possible de déduire et d’échafauder une méthode afin que, toutes et tous, nous venions désormais immanquablement à bout de nos trous de mémoire grâce à La moitié du fourbi et pour 14 € seulement ? » (Anthony Poiraudeau)

Sur Le bout de la langue. A grands coups de. Détournement de train avec Clémentine Mélois qui fait dérailler, verser le verbe qui dessert les voi-es/-x ferroviaires. D’Estoc de Pierre Senges, coups – tip top tongue – portés en traître à la traduction dans un accès d’ivresse étymologique. Pour en finir avec les trous de mémoire, d’Anthony Poiraudeau qui, avec un humour pointu, propose une recherche hypertextuelle sur ces absences localisées qui nous titillent si souvent entre art de mémoire et (comment dit-on déjà ?) psychogéographie, évidemment. 

« Ne croyez pas que cette parole ne serve à rien. Au contraire : codifiée à l’extrême, elle apparaît saisie dans un réseau d’interactions sociales d’un raffinement inouï, qu’on ne voit en général qu’aux civilisations moribondes. » (Hugues Leroy)  

Camille Loivier se penche sur le mouvement et sa traduction et vice versa. Laure Limongi, sur tout ce que peuvent contenir et libérer le goût et l’odeur du café. Léo Henry sur l’idéolinguistique ou conlanging, d’Hildegarde de Bongen à Game of Thrones. Nolwenn Euzen sur la langue muette de Babouillec, Hugues Leroy édifiant sur le règne grandissant de l’oral via l’écrit et les réseaux à l’âge de la hache et du hashtag. Zoé Balthus converse avec Pascal Quignard : du bout de la langue encore et de l’indicible, de l’imprévisible libertaire et libérateur, d’aller au feu par la performance.


« Zoé Balthus : L’écriture est un rempart pour vous ?   
Pascal Quignard : Non. Mais rester dedans ne m’expose pas assez, désormais. Ce n’était pas le cas avant. Cela va vous paraître prétentieux…mais depuis que j’ai la technique, l’écriture ne me suffit plus ; il fallait que je me sente vivant, avec un peu plus d’angoisse. »

Anne Maurel dessine un très beau texte sur le retour et l’écrit en image de la réalité sensorielle. Frédéric Fiolof enchaîne quelques Expirations inspirées qui chamboulent. Enfin, Anne-Françoise Kavauvea hommagine la langue châtiée d’une enfance perecienne, Rubio Muto lie du bout des lèvres un texte surréaliste sur la pratique de l’écriture cunniforme tandis que Sabine Huyn boucle et referme un texte parachuté qui renvoie bout à bout essence et expérience (Penser/Classer toujours).

« Ce double mouvement consistant à multiplier les images et à accompagner leur apparition dans la langue imprime à l’écriture une allure heurtée où je vois un signe de sa nécessité : j’entends par là de sa sincérité, et de sa relance, de phrase en phrase ou de livre en livre. » (Anne Maurel)

Avec sur Le bout de la langue et des doigts les mots qu’ils faut pour le dire et l’écrire, les auteurs et autrices régulier·e·s ou invité·e·s de La moitié du fourbi fourbissent ici un numéro qui, le rose aux joues, joue sur le lapsus, l'absence et la présence. Septième sortie d'une revue biannuelle dont on ne voit pas le bout de la moitié du commencement d’une, revue qui se renouvelle sans cesse et qui, entre Bestiaire (6) et Instants biographique (8),sans s’essouffler jamais, interroge le(s) sens en tous et toutes.

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