Mottes mottes mottes, sorti de terre pour la première fois sous les
augures printaniers du 1er avril 2009, mesurait 77 micro-poèmes sur un peu plus
de feuillets tuteurés par spirales. Dans cette nouvelle mouture, Mottes mottes mottes, réédité, toujours
par et chez Le Grand Os le 15 septembre 2018, revu et augmenté, se déploie désormais
sur une quarantaine de pages et autant de boutures supplémentaires, mais non
surnuméraires, qui nous bottent bottent bottent, fleurissent et (re)donnent racines à une œuvre rhizomique toute en
(pro)éminences.
« aux mots d’ordre tordre
l’orbite régulière faire
mordre aux mots ordinaires
la poussière du désordre »
l’orbite régulière faire
mordre aux mots ordinaires
la poussière du désordre »
D’un point d’équilibre à aujourd’hui,
Mottes Mottes Mottes s’effeuille à
travers 144 micro-poèmes apho-humo-ristiques qui cultivent le jeu de mots, la
figure de style (ana-coluthe, -logies & -strophes), le paradoxe, (se) [dé]jouent
de la poésie classique, de l’haïku, du kōan (« caillou/irrégulier/série/de ronds/parfaits »
(ricochets)), du calligramme, parcourent les genres et les registres (« tu
kiffes ou pas », « mothafuckas ») sans prétention, mais avec talent, allant,
élan (et alezans).
Du Ana Tot pur jus, le plus
souvent drôle, parfois facile, toujours virtuose et intelligent, où faire et
dire s’inter-pellent/-posent, qui rappellent ses autres recueils : Traités et vanités (« je suis bien plus
moi/quand je ne le dis pas/,mais comment le savoir/si je ne le dis pas/dire me
rajoute quelque chose/dire me rend plus je n’sais quoi/plus consciente de
moi-même/peut-être/et par là moins présente/plus consciente de pas être/plus présente/le
disant »), méca (« courir le
risque/du disque rayé/du dit que l’on raille / du discours qui déraille »), ou Voyage en bonhomie (« une chose
allongée/semble ne pas/pouvoir/jamais/finir son élan »).
« les exceptions
de mes fesses
confirment la règle
de mon cul »
(ortograf l y nalgas)
de mes fesses
confirment la règle
de mon cul »
(ortograf l y nalgas)
Des sonnets serpents à sornettes
sur vos têtes, remue-méninges et vénim-/spongi-eux qui cultivent l’occis-mort
et le pléonasme, flirtent avec la prose poétique et la poésie [p](r)osée, le
dandysme, les thèmes et l’easy-listen-writ-ing d’un Philippe Katerine (« chante-moi/chante
ça/chante-moi ça » (chanson))
conjugue la gouaille, les calembours et contrepèteries, d’un Bobby Lapointe, mais
voit plus loin que le bout de son né (« ne rien faire/voilà qui est beau/rien
d’autre ne peut l’être […] demain n’avoir rien/n’avoir rien/que c’est beau »), se
dégage de l’académisme (« que de bulles inutiles/l’intellect sécrète ») des têtes
de nœud pap’, rond-de-flan-de-feints-durs-à-cuir et autres grammar nazis de la
clique myso des masos de Por-t/-c-Royal (« et feindre le science des tenues
coites enserrées » (science)).
D’un horizon l’autre, vue du ciel, sa poésie s’engage (« c’est
toujours soi qu’on assassine »), se dégage (« mort à la mort […] merd’à la
guerre (…) guerr’à la guerre (…) gar’à la guerre » (guerre l deux)), s’enrage malgré elle, visionnaire (« et pour les
forces de l’orbe/au contraire la bague au/doigt tendu et à l’œil »), surréalise
et (van)dalise en chien andalou — images, violence, beauté (« d’abord
porte/pied table sein pied/d’abord porte/ciel terre merde opéra (…) alors
seulement poignée »).
« La vie est mort
que les colonels chantent au gré du vent […]
Ça sent la vie morte
ça sent le coussin le printemps la carabine
ça sent drôle
et même terriblement » (rase-motte)
que les colonels chantent au gré du vent […]
Ça sent la vie morte
ça sent le coussin le printemps la carabine
ça sent drôle
et même terriblement » (rase-motte)
Une poésie « badasse » qui déjante
(minouminou), dépote (amnésie) et slame (bla), frappe chez tous les poètes présents et passés pour les
rameuter. Chez les nominalistes (« est n’est pas une rose ») comme chez les sensualistes
(« les choses demeurent/et nous passons/pfft/
pauvre d’elles »), pied de nez à la nuée et chifoumis, pense-bête et aspérités.
Titres et morceaux en forme d’istoires, h aspirés, formes variables, longueurs
de pieds qui prennent leurs clics épitaphes.
Existentialisme, pataphysique et zoopinion :
les opilions tissent dans le cerveau, de la lecteur du lectrice, de drôles d’azimuts,
déboussolent et dépassent le cadran ligné auquel AT nous avait presqu’habi [-]
t(u) é. Concert d’images déconcertantes, mots triturés, recrachés sous forme de
pluie venue de pays doux.
Un recueil (en)chant-ant/-eur,
que l’on croirait en(tendre)-chant-er/-é (de même), livret rythmé comme du
papier à musique, qui s’ex-im-prime à tue-tête(s), se lit en tous lieux et sens,
horizontal et/ou vertical (ainsi le très beau, double et entremêlé ruban), et/ou alternativement avec sa
reliure spiralée et ses pages tête-bêche qui rappelle les calendriers (« un
événement a lieu (…) où est le son | d’autres événements | bientôt » (5 ou 6 août)). Perpétuelle et
(im)pertinente, la poésie d’Ana Tot y apparaît plus drôle et chantante que
jamais. (« jours conjugués (…) jouer/jouer/jouer/ne pas
s’arrêter/jouer/jouer/jouer » (jubile)).
Une poésie profonde et légère qui
évoque la Grèce à plusieurs reprises, au moment où j’écris sur les plages du
dit pays, comme une carte que je reçois et à laquelle je réponds ici : éô
| lien vers Le Grand Os, jours ronds et bons à Aurelio, kalispera à Ana Tot,
cousine lointaine d’Eleni Sikelianos, muse et poète. A tous les deux, tout(e)
en un, au Grand os, pas gyros, mais ouzo : yassas & yamas !
« longue
langue
lasse
laisse
l’os
lisse »
(lente lapée)
langue
lasse
laisse
l’os
lisse »
(lente lapée)
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