Après Un Fil Rouge
de Sara Rosenberg, et comme annoncé précédemment, j’ai le plaisir de vous
présenter La Révolution
des casseroles de Jérôme Skalski, sorti en octobre 2012 aux éditions de La Contre Allée , dans la collection nommée Un
Singulier Pluriel, à laquelle appartenaient déjà Cosa Nostra et Le Retour du Prince.
L’auteur, journaliste et reporter, nous y explique
comment, et par là même pourquoi, le pays est passé « du statut de
« laboratoire » du néo-libéralisme à celui de symbole de la
« déroute » du système financier international » en
retraçant l’historique de la crise, de la révolution, puis de la constitution
qui en résultent.
L’Islande, « terre
de glace », doit en effet moins son nom à son climat qu’à ses vastes
étendues désertiques et stérile qui limitent ses ressources à la géothermie et à
la pêche et la rendent dépendante de son commerce extérieur. Or l’arrivée au
pouvoir des « Néo-Viking », tenant d’un capitalisme financier
néo-libéral incarné par le Parti
de l’Indépendance, l’entraîne dès les années 90 dans un processus de
privatisation, de défiscalisation, de déréglementation qui crée et accroît de
façon exponentielle la dette du pays envers la Banque Centrale de
l’Union Européenne, rejointe peu de temps auparavant, et la conduit dès 2006 à
une crise qu’elle ne surmonte qu’en apparence. En moins de deux ans, faillites,
licenciements, chômage et perte du pouvoir d’achat se succèdent et se
multiplient, transformant alors le modèle islandais en symbole de la crise.
Commence alors la « Révolution des casseroles »,
mouvement populaire qui dénonce à grand bruit la corruption puis la trahison
des élites politiques et industrielles acquises à la cause des banquiers, provoquant
une mobilisation et une répression sans précédent depuis 1949, date de
l’adhésion de l’Islande à l’Otan. La tension monte progressivement au fil des
coupes dans le budget de la santé, des arrestations, des interventions
télévisées, des lacrymos et des braseros, conduisant à des élections
anticipées, à la démission du ministre du commerce et du premier ministre ainsi
qu’à la victoire de la mouvance Gauche-Vert qui avait rejoint le mouvement, et
à la formation d’un gouvernement provisoire en vue d’une révision de la
constitution de 1944 héritée de celle octroyée par le roi de Danemark un siècle
auparavant.
Au terme d’un processus
nouveau, de l’élection d’une assemblée constituante à la consultation des
citoyens via les réseaux sociaux, le texte définitif de la « Proposition
pour une nouvelle constitution pour la République d’Islande » est élaboré et
approuvée par le Conseil Constitutionnel. Une constitution qui institue une démocratie
parlementaire avec un président aux fonctions retreintes et une assemblée aux
pouvoirs élargis, qui peut le destituer et être dissoute par lui. « Une
constitution d’un genre inédit » qui entérine les acquis de la Révolution et repose
sur les valeurs de la société islandaises, définies pour l’occasion au cours de
nombreux débats : l’accès à la
justice, à l’éducation, aux ressources naturelles, à la paix. Une constitution
où seul le peuple demeure indissoluble, avec en sus un procureur spécial ainsi
qu’une commission d’investigation chargés d’enquêter sur la corruption et la
responsabilité des élites dans la crise.
Une constitution qui,
somme toute, va à l’encontre de la tendance constatée aujourd’hui dans les autres
pays, en mettant un frein à l'exploitation et à la spéculation jusqu’alors soutenues comme ailleurs par les manipulations des médias
en réaffirmant les droits fondamentaux de la personne humaine. Une expérience
islandaise - que la presse étrangère n’a, pour l’essentiel, guère relayée jusqu’ici
que comme l’exception d’un village de pêcheur isolé confirmant la règle
libérale d’un monde globalisé et qui avec le temps - et désormais grâce à Jérôme
Skalski et aux éditions La
Contre allée que je tiens à nouveau à remercier - nous
apparaît davantage comme un modèle viable et applicable de développement à
travers ce petit ouvrage intéressant, clair, factuel et instructif, ancré dans
le réel et tourné vers l’avenir.
Rencontre avec Jérôme
Skalski à la librairie L’Harmattan de Lille le 17 octobre dernier
dans le cadre
de l’opération La voie des Indés organisée par Libfly.
Crédit photo et vidéo © Jérôme Skalski -
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