Tracer la route et son horizon. Se rendre [disponible], s'échapper [pour mieux se (re)trouver], plonger, (par)courir, s'enfouir – s'ensabler sans s'enterrer – [refaire surface], reprendre son(,) souffle, gagner en profondeur/clarté/clairvoyance, s(')e( )mouvoir librement. Envisager chaque déplacement comme une rencontre [vis-/pays-/-age]. Suivre le mode d'emploi, le sens des aiguilles de boussole
bicolores, l'ordre alphabétique en deux parties inversées —
le fil rouge de la page centrale comme marque et commencement.
In media res y perdre son latin, reprendre à la préface puis
voir rouge de nouveau avant d'entrer dans le bleu des pages. Penser
pouvoir classer. Chasser l'aléatoire. Choisir son chemin [dans l'] —
encadré. Tourner en rond, décarrer, prendre la tangente et le large
vers des pays(ages) toujours renouvelés. Rêver, dériver,
(di)vaguer.
Sous-titré égarements topographiques dont vous êtes le héros
– en référence aux principes des livres du même nom – ce joli
petit fascicule graphique et poétique intitulé Malgré les
collines, élaboré par Véronique Béland, paru chez sun/sun
le 21 novembre 2017, nous propose de voyager au gré plus de
quatre-vingts entrées et de toutes leurs combinaisons à travers
autant de lieux existants, mais dont la traduction française des
noms libère le pouvoir d'évocation.
« Le chemin le plus court entre deux points est la ligne sémantique. »
Au creux d'un œil, découvrir.
Un texte plus linéaire qu'énoncé, né de l'installation
Terra
Incognita de
Pauline Delwaulle,
mappemonde interactive
grâce à laquelle, nous indique Fanny Curtat dans sa préface
Matière première, « toucher un toponyme nous amène
automatiquement à un autre toponyme partageant le même champ
lexical ». Une carte
blanche, où ne figurent que ces noms et les lignes de séparation
entre terres et eaux, laissée à destination de ceux et celles
naviguant au cœur de l'installation, de l'application, de cet
ouvrage. Un multivers où mille et un parcours se créent, se
croisent à la travée des mondes. Un récit ouvert aux quatre vents
et directions – labyrinthes,
rêves, réalité
(la naissance d'une quatrième dimension comprenant les précédentes)
– porté par la poésie des lointains,
des étendues infinies, des cordes tendues, d'une
cosmo-gonie/-graphie qui s'imprime in extenso
au fond de la rétine.
« On dit parfois que certaines portes ne s'ouvriront pas deux fois. Pire, que certaines portes que l'on tente d'ouvrir referment aussitôt d'autres accès à notre insu. C'est à cet
endroit précis que réside la difficulté à faire des choix, comme
si tous les possibles méritaient d'être vécus. » (L'Archipel
des Sept Iles).
Voir – défilés (Canyon bien amer, Rassembler les creux, Ravin
d'espace vide), lacs et rivières (de feu, sans bout),
par monts et par vaux (Val sans retour, Vallée des météorites)
– s'esquisser une Pampa lunaire, une Savane entourée,
une Zone paysage. Se
dessiner une voie, sans issue baliser et laisser
(ap-/disp)paraître une géographie.
Au fur et à mesure des pages que l'on tourne, des flèches que l'on
suit. Des points que l'on re-lie/-joint à travers autant de
portes des étoiles, astres et galaxies pour débouler entre Désert
à l'envers (Ce qui
est des oasis, si l'on désire s'y fondre, ou Réservoir de
l'aube, s'y perdre en croyant y voir clair) et L'Archipel des
sept îles et son système solaire. Ajourner ou avancer son
départ. Prolonger ou interrompre son séjour. Explorer de toutes les
manières (im)possibles les lieux les plus (in)imaginables.
« On traverse fréquemment les mêmes lieux, sans pour autant avoir tracé des trajets équivalents » (Montagne arrêter le silence)
Errer (en terre, inconnu(e)), ne plus savoir (où donner de la tête)
accorder son attention au sens, au nom, au rythme des pas, à la
direction (à prendre/à laisser). O(p)ter (pour) l(')a
(in-)tranquillité, l(')a (in-)quiétude. Là, un déterminant nous
trompe. Ici, un lieu ne se trouve pas où il devrait.
Soudain, une image nous surprend. En arrière-fond, le cerveau
prépare la suite, l'imaginaire l'interrompt, intercale un souvenir,
une vision que l'on re-/dé-couvre, imprimée en nous/révélée sur
la page. Choisir une méthode, en deviner d'autres, sous-jacentes à
l'élaboration, sans parvenir à distinguer la part de hasard et de
suggestion (en un mot : de détermination) qui entre en
fin/ligne de compte (« Sous le désordre apparent du chaos
se cache probablement un ordre très strict. » (Embouchure de
la rivière perdue)),
rappelle les expérimentations
surréalistes et situationnistes, jusqu'aux effets de La
maison des épreuves, de Jason Hrivnak,
autre livre dont vous êtes le héros, paru aux éditions de L'Ogre.
« Entre points de fuite et lignes de mire, la raison
première des univers parallèles consiste peut-être justement en la
capacité qu'ils offrent de se retrouver soudainement face à
soi-même. » (L'Archipel des Sept Iles).
Au flux de conscience qui naît, au contact de la contrainte,
préférer soudain rejoindre la liste des Coordonnées
géographiques des lieux rencontrés. Comme si l'ordre
alpha-bétique/-numérique de ces toponymes (Val sans
retour 48.0000 – 2. 2833) pouvait (r)amener à la réalité
les contours d'une cartographie par trop intime déjà. Sans le
vouloir, se retrouver au cœur du triangle des Bermudes (Rivière
de feu -31.8095 -66.4014). En et à la nage,
re-venir/-tomber sur ses pa(ge)s. A force d'aller et venues perdre
patience, aller en force vers l'inconnu. Perdre le voyage pour le
but. En désespoir de cause s'en remettre à et interroger le livre,
ses lieux comme autant de théories (la Montagne petit mystère,
le Monticule des limites, le Never Ever Ever Tip Point
ont particulièrement leur mot à dire, celui de la fin comme du
commencement), d'hypothèses.
« Puis, on comprend un jour la nécessité de fracasser
la boule de cristal qui nous servait jusqu'alors de boussole contre
la rigidité incertaine des murs du hasard. » (Pic de
l'étincelle).
Hypertextuel et analogique, Malgré
les collines dépasse, à
l'instar de son correspondant plastique Terra Incognita,
les contingences physiques et politiques pour ne retenir que le sens
et les liens (« réseau de jonctions symboliques
rendant compte du potentiel parnassien et de l'impression forte du
paysage ») invitant le
lecteur à participer à l'aventure proposée. A entrer dans le jeu
de plain-pied ou de reculer pour mieux sauter (You-Go-I-Go
Point). A tracer son propre
chemin (avec la liberté de le parcourir à contresens, courant et
contre toute raison, à se laisser conter la légende dorée du
Glacier poussiéreux,
à border les côtes de ce littoral cosmique)
au sein de cet univers élaboré par l'artiste et son
installation//par l'auteure et son livre.
« Comment
alors trouver un sens à l'existence eau cœur même de cette
fiction ? » (Ruisseau direction contraire)
Qui traite encore, de et selon. L'astronomie et l'alchimie, la
géo-graphie/-métrie divine, l'hermétisme et l'éso-/exo-térisme,
la philosophie et la fiction. Par induction et/ou déduction. De la
dualité, de l'identité, de la perception. De la science et de
l'expérience, de la croyance et du savoir, de l'illusion qu'ensemble
ils forment — existences-/réalités-miroirs. De l'Un et du
Tout, (in)conscient et (in)connu. De l'ignorance et de la peur. Du
plein et du vide, du rayonnement fossile et de la transmutation —
de ce qui est en haut/bas, de l'infiniment petit/grand. Aborde
espace(s) – temps, éternité – vie et mort. Recoure à la
gravité, au nombre Pi, d'or. Aux archives akashiques, aux oracles,
au Yi-jing, à grands coups de devises parfois sibyllines, pour
proposer un voyage introspectif, transcendant et initiatique.
« Pour le chercheur d'absolu, inventer un sens à
l'immédiat semble plus salutaire que d'attendre infiniment que
quelque chose se passe. » (Dans la rivière à sec).
Carte et territoire à la fois, jeu conversationnel et combinatoire,
recueil d'aphorismes, casse-tête et biscuit chinois, ce fascicule
philosophique et poétique aussi fin qu'ambitieux contraint autant
qu'il libère la réflexion et l'imaginaire. Après
Elles
collectionnent des mondes (avec
Catherine Tremblay) aux éditions du Renard et LE vide de la distance n'est nulle part ailleurs, déjà coédité par sun/sun et Bipolar dans la collection Les
Immatériels, Véronique Béland
poursuit avec Malgré les collines son
travail de corrélation entre performance plastique et poétique. Un
petit guide de voyage précieux qui, comme toutes les
productions graphiques de la maison, a fait l'objet d'un soin
méticuleux où formes et fonds se rejoignent, offrant une source
inépuisable d'évocations et de raisonnements, de magie et
d'émerveillement.
« sensible
à l’hybridation des objets éditoriaux, sun/sun
suit une ligne éditoriale « en étoile » ouverte, questionnant la
notion de récit et de territoire - poétique ou géographique... »
Crédits
photos © Eric
Darsan, Extraits et photos de Malgré
les collines ©
Véronique Béland, sun/sun, illustration Terra
incognita © Pauline
Delwaulle 2017
Mise à jour/Making-of/-real : Le cadre d'inspiration et d'illustration (de lecture de l'ouvrage et d'écriture) de cet article est aussi celui du lieu de villégiature du Général Instin dans l'épisode (1) de (G)rêve, Général(E) : Chant de guerre pour l’armée d’Instin. Une série insurrectionnelle en 4 temps publiée en collaboration et en simultanée ici par Lundi Matin et là par Remue.net tous les lundis jusqu'à ce que vie s'en suive. « Pour s’évader, passer au sud, de l’autre côté. Là où la politique, la mer et le soleil rougissent ; où le ciel et l’horizon s’élargissent, où la faune, la flore et l’espoir se repaissent après des cycles de destruction et de manipulation du réel orchestrés par la dictature ; des œillères aux œillets, entre deux bouffées de lyrisme, Instin renaît et apprend à cueillir, accueillir, la vie au grand air… » (La suite ici et là).
A découvrir également, dans le même ordre d'idées d'une réalité augmentée [rêve conscient et éveillé], récemment paru ou à paraître, dans le catalogue sun/sun : Noces ou les confins sauvages, de Hélène David « - récit photographique, traversée graphique - avec un texte de Donatien Garnier, les dessins de Gildas Secretin et Alexandre Rivault au graphisme (...) un récit contemporain aux frontières du réel et du merveilleux. » Et seuls les chiens répondent à ta voix, de Tarik Noui dans la collection Chaos qui accueille également Il paraît que nous sommes en guerre, de Pierre Terzian (dont Le dernier cri a été précieusement recueilli dans la collection Echo). « Dans un monde où les hommes ont cessé de communiquer à force de trop parler, au milieu du bruit, Tarik Noui épure le discours et propose un retour essentiel sur les traces de la voix humaine. Sa genèse dans le silence premier des cavernes. Son adresse aux dieux anciens. Sa domination sur les peuples. Son anéantissement dans le vacarme des sociétés de grandes solitudes.... »
Mise à jour/Making-of/-real : Le cadre d'inspiration et d'illustration (de lecture de l'ouvrage et d'écriture) de cet article est aussi celui du lieu de villégiature du Général Instin dans l'épisode (1) de (G)rêve, Général(E) : Chant de guerre pour l’armée d’Instin. Une série insurrectionnelle en 4 temps publiée en collaboration et en simultanée ici par Lundi Matin et là par Remue.net tous les lundis jusqu'à ce que vie s'en suive. « Pour s’évader, passer au sud, de l’autre côté. Là où la politique, la mer et le soleil rougissent ; où le ciel et l’horizon s’élargissent, où la faune, la flore et l’espoir se repaissent après des cycles de destruction et de manipulation du réel orchestrés par la dictature ; des œillères aux œillets, entre deux bouffées de lyrisme, Instin renaît et apprend à cueillir, accueillir, la vie au grand air… » (La suite ici et là).
A découvrir également, dans le même ordre d'idées d'une réalité augmentée [rêve conscient et éveillé], récemment paru ou à paraître, dans le catalogue sun/sun : Noces ou les confins sauvages, de Hélène David « - récit photographique, traversée graphique - avec un texte de Donatien Garnier, les dessins de Gildas Secretin et Alexandre Rivault au graphisme (...) un récit contemporain aux frontières du réel et du merveilleux. » Et seuls les chiens répondent à ta voix, de Tarik Noui dans la collection Chaos qui accueille également Il paraît que nous sommes en guerre, de Pierre Terzian (dont Le dernier cri a été précieusement recueilli dans la collection Echo). « Dans un monde où les hommes ont cessé de communiquer à force de trop parler, au milieu du bruit, Tarik Noui épure le discours et propose un retour essentiel sur les traces de la voix humaine. Sa genèse dans le silence premier des cavernes. Son adresse aux dieux anciens. Sa domination sur les peuples. Son anéantissement dans le vacarme des sociétés de grandes solitudes.... »