vendredi 1 mai 2015

Nota Bene – Les derniers mots de Falcone et Borsellino, Antonella Mascalli

Parmi les éditeurs qui comptent, ici comme ailleurs, j'aimerais mettre une nouvelle fois à l'honneur La Contre allée qui, aujourd'hui comme hier, est présente ce 1er mai à l'occasion du Salon d'expression populaire et de critique sociale d'Arras avec Roberto Scarpinato mais aussi Jérôme Skalski. Aussi, à l'occasion de la nouvelle édition augmentée et préfacée par Edwy Plenel de l'excellent Retour du Prince de Scarpinato et Lodato dirigé par Anna Rizzelo dont je vous avais amplement parlé ici, ainsi que de Cosa Nostra, son admirable pendant, j'ai l'honneur de vous présenter aujourd'hui Les derniers mots de Falcone et Borsellino sorti en avril 2013. Un ouvrage que j'avais reçu à l'époque et que, du fait de ma propre actualité, je n'avais pas chroniqué.


Cette même actualité m'amène aujourd'hui à revenir sur cet essai dirigé par Antonella Mascali, préfacé par Roberto Scarpinato et traduit par Anna Rizzelo et Sarah Waligorski qui avait déjà travaillé sur les précédents ouvrages de la série. « Martyrs », « entravés », « calomniés » : ainsi Antonella Mascali décrit-elle dans son avant-propos les deux juges « tués par la mafia » selon une rhétorique d’État qui tente encore par delà la mort d'étouffer leurs voix. C'est donc « hors du texte », dans le non-dit et l'indicible, qu'il faut aller chercher la véritable clé de lecture de tout cela comme nous l'indique Roberto Scarpinato dans une longue préface d'une cinquantaine de pages avant de laisser place à trois parties d'une trentaine de pages chacune, respectivement consacrées aux deux puis à l'un et l'autre des juges assassinés. Une somme courte mais dense, technique mais accessible, erratique mais construite, abrupte mais passionnante, qui rend compte dans la forme comme dans le fond des difficultés qui se présentent sitôt que l'on brise l'omerta.

 

« L'Etat n'est pas crédible » déclare Scarpinato sans ambages, sa représentation tient de la farce, comme le démontre à lui seul l'exemple de Giulio Andreotti, sept fois premier ministre et vingt-deux fois ministre, connu pour ses rapports — officiellement établis par la cour d'appel de Palerme — avec la mafia. Ou celui de ce procureur qui approuve la nomination d'un membre d'une mafia présentée comme ayant toujours respecté la magistrature et la justice. Un constat renforcé par les expériences respectives de Giovanni Falcone qui dénonce la mise à l'écart dont il fit l'objet, et de Paolo Borsellino qui condamne le désengagement de l’État, en un mot le manque de fiabilité de celui-ci, cause et conséquence du règne d'une mafia qui, selon eux « n'est pas invincible » comme l'a prouvé le pool antimafia dont l'exemple nous enjoint aujourd'hui à fuir et à dénoncer la convergence des intérêts politiques, économiques et mafieux.

 

Un ouvrage qui, comme les précédents, ne se cantonne pas au témoignage et à l'anecdote mais propose une analyse systémique globale non seulement de la mafia mais de l'appareil d’État. Une analyse qui s'applique parfaitement à la France au moment où Nicolas Sarkozy, impliqué dans pas moins de neuf affaires, après avoir été placé en garde à vue, mis en examen pour corruption active et trafic d’influence actif, reprend une nouvelle fois à son compte le discours mafieux qui consiste à condamner cette justice « qui fait la guerre au pouvoir politique » et serait, par un hypothétique et prétendu acharnement judiciaire, une entrave au « miracle de la République ». Une république à l'italienne, mafieuse, cela va sans dire, et qu'il distingue donc de la démocratie. Un ouvrage salutaire, enfin, pour l'envoi duquel je tiens à remercier La Contre allée et tout particulièrement Benoît qui depuis des années fournit un travail aussi incessant qu'exemplaire que j'ai eu le plaisir et l'honneur, y compris en tant que libraire, de pouvoir mettre en avant.

Aucun commentaire:

Enregistrer un commentaire