Après une petite pause d'un mois consacré à recharger nos
batteries à l'énergie solaire, petite mise en ligne de mes lectures
de l'été avant de repartir puis d'entamer à partir du 25
août une longue série de plus fréquentes et plus courtes
chroniques dédiées à une rentrée littéraire riche et stimulante.
Depuis sa troisième édition qui m'avait donné l'occasion de
vous faire (re)découvrir Le Mot et le Reste avec The LP Collection
en octobre puis 2024 avec Vous êtes tous jaloux de mon jetpack en
décembre, l'opération La Voie des Indés organisée par Libfly est
devenue annuelle.
Une bonne nouvelle qui me permet aujourd'hui
de vous présenter d'autres éditeurs indépendants par l'entremise
de nouveaux titres frais et bien faits pour l'été à commencer par
Le cerveau à sornettes de Roger Price pour lequel je tiens à
remercier Libfly et Wombat.
Sorti le 2 avril dernier aux jeunes et humoristiques éditions
Wombat, Le cerveau à sornettes se présente déjà comme le vingt et
unième titre de la collection « Les Insensés » au sein
de laquelle son traducteur et éditeur, Frédéric Brument,
« poursuit le travail éditorial déjà entreprit depuis dix
ans à travers une vingtaine d’ouvrages parus au Dilettante et chez
Rivages ». Une collection qui comporte notamment l'excellent Au
secours ! Un ours est en train de me manger de Mykle Hansen et
qui aspire à la défense de l'humour de « l'école nonsensique
du New Yorker » ou de celle « bête et méchante d’Hara-Kiri ». Un objectif aussi farfelu que délicat avec Le
cerveau à sornettes qui présente la difficulté et l'intérêt
d'appartenir aux trois catégories à la fois.
« Il y a un an à peine, l’auteur de ce livre était un jeune homme pâle, nerveux et constamment soucieux. Il l’est toujours. Il l’est même plus, car entre temps il a écrit un livre que ni lui, ni son éditeur ne sont capables de décrire. » Et pour cause. Difficile en effet d'aborder ladite chose (qui, à l'instar de la marmotte dudit livre, s'avère aussi peu représentable que présentable), véritable ode à l'inaction, sans trahir son propos ni employer le ton si particulier qui le caractérise. Disons simplement qu'il s'agit d'un ouvrage ouvertement rédigé sur le et la mode d'un ouvrage de développement personnel du type Comment se faire des amis, de Dale Carnegie (dont la théorie est heureusement détournée ici par « inconsciemment, tout le monde déteste tout le monde »), l'humour en plus et la morale en moins.
« Il y a un an à peine, l’auteur de ce livre était un jeune homme pâle, nerveux et constamment soucieux. Il l’est toujours. Il l’est même plus, car entre temps il a écrit un livre que ni lui, ni son éditeur ne sont capables de décrire. » Et pour cause. Difficile en effet d'aborder ladite chose (qui, à l'instar de la marmotte dudit livre, s'avère aussi peu représentable que présentable), véritable ode à l'inaction, sans trahir son propos ni employer le ton si particulier qui le caractérise. Disons simplement qu'il s'agit d'un ouvrage ouvertement rédigé sur le et la mode d'un ouvrage de développement personnel du type Comment se faire des amis, de Dale Carnegie (dont la théorie est heureusement détournée ici par « inconsciemment, tout le monde déteste tout le monde »), l'humour en plus et la morale en moins.
« A notre époque, traiter une personne pour maladie mentale
équivaut à pratiquer la respiration artificielle sur un homme sans
le retirer du lac ». Raison pour laquelle, sans doute, les deux
premiers tiers de l'ouvrage sont destinés à évoquer les méfaits
du productivisme (évitant ainsi de trop aborder l'évitisme) tandis
que le dernier tiers expose tout un apanage de prétendues mauvaises
attitudes destinées à y remédier. Ainsi l'évitisme (philosophie,
mouvement et solution à tous les maux dont souffre l'humanité
depuis l'invention de la roue par Marvin Ouk) consiste-t-il tout
simplement à refuser de s'adapter à un monde inadapté, autrement
dit à « éviter l’effondrement de votre personnalité en
la supprimant ». Une drôle de méthode qui rappelle celle plus
récente exposée par John Parkin dans un autre petit livre intitulé
Rien à foutre : L'ultime voie spirituelle.
« J'veux pas, donc j'march'rai pas ». Oui :
l'évitiste forcené va parfois jusqu'à éviter de prononcer les e.
Cette propension (toute proportion gardée) pouvant peut-être
expliquer la participation de Georges Perec - partisan de
l'indicible et auteur de lipogrammes devant l'éternel – celui-ci
(Georges, pas l'Eternel) s'est pour l'occasion fendu d'une
sympathique et oulipienne préface dont l'argument d'autorité et la
virtuosité ne sont pas étrangers peut-être à l'engouement suscité
par ce petit livre. « - C'est méchant, Roger Price,
vraiment ? - C'est très méchant. » Et gratuitement, ou
presque. C'est ainsi que Roger Price, appliquant sans vergogne (ni
vigogne, mais avec l'aide de Jeannot Lapin et des six G-men de J.
Edgar Hoover) sa loi du moindre effort, tape là où ça fait mal,
enfonce le couteau dans la plèbe, vilipende la publicité,
stigmatise l'art moderne, multiplie sur un ton paternaliste les
blagues lourdes et sexistes, machistes, misogynes et exhibe de façon
aussi répétitive que gratuite scènes et petits dessins sages mais
suggestifs.
Le cerveau à sornettes, dont la première édition remonte au
début des années cinquante, instille et distille en vérité
un humour un peu comique troupier, très Mad et un peu Mad men, un
nonsense qu'on ne sait à quel degré prendre, dont on ignore s'il
dénonce ou renforce les préjugés d'une époque dont il est en tous
les cas le reflet. Un humour, somme toute, à mi-chemin entre Choron
et Desproges (personnellement, je préfère l'esprit bon enfant du
second). Pour ma part j'ai surtout beaucoup aimé la partie incluant le petit
conte moral intitulé « Milton et le rhinocéros, par Oncle
Roger » avec la vache meuh-meuh et le Mérou huppé (« Bon,
raconter comment la vache meuh-meuh est arrivé là serait trop long
et fastidieux, mais comme elle joue un rôle important dans la suite
de l'histoire on doit la garder »). Sans compter que c'est un
excellent complément au Guide du mauvais père de Guy Delisle, même
si d'aucuns lui préféreront L'Elevage des enfants, également
publié par Wombat.
A travers ses deux cents pages de sornettes, de fantaisies et
d'anachronismes illustrées de quatre-vingts illustrations aussi peu
explicatives que simplistes qui rappellent celle des petits Marabouts
en vogue à l'époque, Le cerveau à sornettes de Roger Price est
somme toute un petit recueil au charme désuet qui se lit très
bien et qui, à travers ses multiples développements sans aucun sens
ni but, à défaut de convenir à tous les goûts, s'adressant
surtout au mauvais, vaut au moins pour son historicité. Une édition
soignée, en format demi-poche avec couverture à rabats illustrée
par Killofer, membre de L'Oubapo, cohérente donc et facile à
emporter et trouvera sa place un peu partout (j'ai tenté de lire la
partie anatomique consacrée au « fonctionnement de l'esprit
humain dans la tête » dans la salle d'attente d'un médecin),
à commencer par les plages ensoleillées dont elle arbore les
couleurs.
Après quoi, dans un autre style, tout aussi américain mais plus contemporain et actuel, je vous invite à nous retrouver ici même tout prochainement pour la seconde partie de cette Voie des Indés avec Les gaspilleurs de Mack Reynolds publié par Le passager clandestin.
Après quoi, dans un autre style, tout aussi américain mais plus contemporain et actuel, je vous invite à nous retrouver ici même tout prochainement pour la seconde partie de cette Voie des Indés avec Les gaspilleurs de Mack Reynolds publié par Le passager clandestin.
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